Dénis de justice ?
Dénis de justice ?
Il ne fait pas bon s’opposer fermement à la toute-puissance des magistrats et par extension à celle de l’état !
La récente interpellation de Maître Bernard Ripert et son placement d’office en internement psychiatrique après une simple consultation d’un psychiatre (aux ordres ?) constituent un dangereux précédent qui n’est pas sans rappeler d’expéditives méthodes que l’on pensait disparues avec l’existence d’un état de droit.
Il faut préciser que Bernard Ripert n’a jamais hésité à se dresser contre l’exécutif et la justice ; celui qui fut notamment l’avocat emblématique d’Action Directe était – il est vrai – un spécialiste des coups d’éclat au sein ou à l’extérieur des prétoires, capable de critiquer avec véhémence décisions ou attitudes de magistrats.
Maître Ripert était poursuivi pour « intimidation envers un magistrat » et suspendu d’exercice pendant quatre mois par la cour d’appel de Grenoble pour des manquements déontologiques. La nature de l’intimidation a été révélée, il s’agit d’un regard lancé par le pénaliste à un des juges ayant signé sa suspension. Autant dire que l’intimidation était à la fois caractérisée et particulièrement violente, suffisante semble-t-il pour une interpellation musclée, une garde à vue et un internement psychiatrique…

Parallèlement Me Ripert avait été relaxé mi-mai par le conseil régional de discipline qui statuait sur ces manquements déontologiques présumés. Le procureur général a fait appel de cette décision et la cour d’appel a fixé au 2 juin une audience sur le fond de cette affaire.
Par ailleurs Me Bernard Ripert fait l’objet de procédure de suspension provisoire, en relation avec la procédure disciplinaire. Une mesure de suspension provisoire relève de la compétence du Conseil de l’ordre.
Me Bernard Ripert a déposé une Question prioritaire de constitutionnalité devant le Conseil de l’ordre, dans la procédure de suspension provisoire. Le Conseil de l’ordre a transmis la Question prioritaire de constitutionnalité à la Cour de cassation. Dans l’attente de la décision de la Cour de cassation, la procédure de suspension provisoire a été suspendue.
Le 05 février 2016, la cour d’appel de Grenoble a suspendu Me Bernard Ripert pour 4 mois.
Il s’agit d’une décision manifestement illégale car, la cour d’appel ne pouvait pas prendre une décision sur la suspension provisoire, tant que la Cour de cassation n’avait pas tranché la Question prioritaire de constitutionnalité. D’après de nombreux avocats, un procureur de Grenoble aurait fait une affaire personnelle de la radiation de Me Ripert. Après 48 heures, c’est finalement le préfet de l’Isère qui a sifflé la fin du scandale en ordonnant la fin de l’internement abusif.
Si le non-respect du droit constitue déjà une problématique réelle dans une démocratie, le placement en internement psychiatrique d’office d’un homme de 65 ans, avocat médiatique et poil-à-gratter de la magistrature, sans antécédents psychiatriques et visiblement parfaitement sain d’esprit, après une garde à vue traumatisante s’apparente à des méthodes d’avantage usitées dans des dictatures que dans l’hexagone !
Si l’interpellation musclée et l’internement d’office des avocats susceptibles de s’opposer à des décisions iniques avec une conviction et un talent trop manifestes constituent la réponse de l’état et de l’institution judiciaire à l’expression élémentaire de la justice et du droit pour chaque individu à une défense pleine et absolue, ce ne sont pas seulement les avocats qui ont du souci à se faire mais chaque citoyen du pays des droits de l’homme.
Déni de justice là-encore
La problématique a été dénoncée dernièrement par plusieurs médias et notamment Le Canard Enchainé, donnant une exposition médiatique à un combat mené depuis plusieurs années par les avocats du Sud de la France.
La cour d’appel de Nîmes, surnommée le coupe-gorge de Nîmes par Le Canard Enchainé, est en effet devenue la terreur des avocats et plus encore des justiciables. Une procédure d’appel devant cette juridiction est en effet la certitude d’une peine infiniment plus lourde que celle prononcée en première instance.
Le droit d’être rejugé constitue un droit constitutionnel élémentaire de notre démocratie qui est bafoué quotidiennement par la cour d’appel de Nîmes sans que la magistrature, le Garde des Sceaux ou le gouvernement, ne réagissent. Les prévenus hésitent – voire renoncent – désormais à faire appel devant la certitude de voir leur peine lourdement aggravée.
Une situation intolérable qui ne remet pas seulement en cause le droit à un double jugement, mais porte atteinte au droit de la défense dès la première instance. Les prévenus et leurs conseils renoncent désormais à tout mettre en œuvre pour obtenir la meilleure décision possible, sachant pertinemment qu’un jugement favorable donnera lieu à un appel du parquet et à une condamnation infiniment plus sévère que celle requise en première instance.
Les tribunaux du sud de la France sont depuis quelques mois le théâtre de procès kafkaïens où l’on voit par exemple des avocats exposer les arguments d’une relaxe avant de demander au tribunal de ne pas suivre leur plaidoirie, pour au contraire prononcer une condamnation susceptible de ne pas déplaire au parquet…
Ce n’est plus seulement le principe de la double juridiction qui est remis en cause, mais tout simplement le droit à la justice !